Les routes et chemins anciens sur le territoire du mandement de Ste Anastasie

Bien que situé au centre du département du Gard, le territoire de Ste Anastasie est une sorte de Cul de sac. En effet la position centrale de la rivière Gardon qui le traverse et qui a sculpté les gorges pose un problème de circulation sur ce vaste territoire.

Ste Anastasie, son territoire, ses routes

En a-t-il été toujours ainsi ?

Au cours de l’histoire, cette position a semble-t-il été favorable au développement primitif de la commune. En effet Nîmes et Aubenas aux temps celtiques étaient très proches culturellement et commercialement. Une voie antique reliait les deux cités. Cette voie passaient à proximité de l’oppidum de Marbacum dit Castel Vielh  de nos jours. Elle passait au lieu dit les Conques pour traverser le Gardon un peu en amont de l’actuel pont de Russan. Sa dénomination primitive est voie Helvienne ou voie des Helviens. Puis un peu plus tard, vers 150 ap. J.C., elle est baptisée voie Antonine car restaurée et réaménagée grâce aux largesses de l’empereur Antonin le pieux.

carto volques

 

Au cours du haut moyen âge, cette voie est empruntée fréquemment par les chariots qui transportent de la poterie et devient chemin des oules (poteries).

Un autre chemin piétonnier et muletier, plus à l’Est, va doucement supplanter cette voie. À la fin du IXème siècle, un évêque d’ Uzès, Amélius II, seigneur des lieux va donner à des moines désireux de se retirer du monde des terres en bordure du Gardon. Ce lieu est  “au bout du monde”  au dire de l’évêque. Seul quelques locaux utilisent ces terres désertées et parviennent à rejoindre Nîmes par ce biais. Ces religieux vont établir dans un premier temps quelques habitations pour se protéger et construire une première chapelle qui malheureusement a disparu avec la destruction de la bégude basse ordonnée par les services de l’Etat après les inondations de 2002.  Ces moines et leurs successeurs vont construire le prieuré de Saint Nicolas de Campagnac pendant le XIIème siècle.

La bégude st Nicolas avant destruction

La bégude basse ou St Nicolas avant destruction en 2002

plan st nicol routes

Ancienne route et nouvelle route de St Nicolas de Campagnac

Du fait de l’exploitation des bois et des terres par les religieux, ce chemin va peu à peu prendre une importance significative qui va obliger le seigneur des lieux, l’évêque d’ Uzès Pons de Becmil, à construire un pont à partit de 1245 : le fameux pont St Nicolas de Campagnac. Ce lieu va devenir un péage qui va rapporter énormément d’argent à ses exploitants. D’ autant plus que ce passage raccourcit  conséquemment la distance entre Nîmes et Uzès. Détail d’importance lorsqu’ on se déplace à pied. Une route assez large va être aménagée et entretenue régulièrement. Cet itinéraire devient la route principale pour relier les deux villes.  Elle reprendra le nom de “chemin des Oules” et fera ainsi tomber dans l’oubli l’ancienne voie helvienne qui passait par Russan, Aubarne et Blauzac.

pont st nicolas dessin

Le pont St Nicolas avant 1863

pont st nico en 1875

Le pont St Nicolas après 1875 après les modifications du tracé de la route des gorges

Les duex routes Nîmes - Uzès

Un pèlerin, venant d’Allemagne,  va emprunter ce chemin des Oules pour faire un pèlerinage à Compostelle. Il s’agit de Hermann Kunig Von Vach (XVè). Celui-ci va écrire en 1475 une sorte de guide du routard qui va décrire les chemins empruntés, les lieux de ravitaillement et les hospices jalonnant ce parcours. Il sera imprimé en 1495 sous forme de guide. il sera réédité 4 fois (1521).Il va donner des conseils aux pèlerins, notamment, celui de faire ressemeler leurs chaussures à Uzès avant d’entamer la fameuse et laborieuse montée pierreuse vers  le plateau St Nicolas pour arriver sur Nîmes par le Nord-est. Cet itinéraire, également emprunté pour le pèlerinage de St Gilles, très bien décrit, ne passe ni par le Castellas, ni par Russan comme certains l’écrivent aujourd’hui. On peut comprendre qu’à notre époque suivre les véritables itinéraires posent problème et il faut aussi faire vivre les gîtes (dont certains réécrivent l’histoire). Mais il ne faut pas mentir aux pèlerins en leur laissant croire qu’ils sont sur un véritable chemin de pèlerinage.

chemin von vachPrésentation Von VachTraduction Von Vach St Nicolas

Le Castellas ou fort de Ste Anastasie est un point de surveillance et de contrôle local  au service d’ Uzès, mais certainement pas un lieu de passage. Ce fort  de par sa position permettait de pouvoir intervenir sur les deux axes : le péage du gué de Ste Anastasie en amont du pont de Russan et le péage du Pont St Nicolas.

Une autre route qui permet de rejoindre Uzès et Montpellier, va être rendu célèbre par des membres de la famille Platter (Les voyages de Thomas Platter – XVIè). Ils passaient par Uzès, Blauzac, Aubarne où ils faisaient étape,  et après avoir traversé le Gardon au niveau de Dions, rejoignait Montpellier. Les trajets de ces deux étudiants suisses ont été effectués entre 1552 et 1559 pour Félix et 1595 et 1599 pour Thomas.

Le chemin de Régordane, ancienne route de Paris au bas Languedoc par Clermont-Ferrant et le Puy en Velay, passe beaucoup plus à l’Ouest, à la Calmette. Lorsque le gardon était gros, un  diverticule permettait de franchir la rivière à St Nicolas pour les voyageurs venant d’ Alès et de Nîmes. Ce diverticule permettait à ceux qui le désiraient de poursuivre la route sur Collias afin d’accéder aux ermitages de St Gilles et St Vérédème. 

Tracé initial Régordane

En 1703, pendant la guerre des Camisards, une carte va être éditée afin de faciliter le déplacement des troupes royales dans les Cévennes et basses Cévennes. Elle y représente les routes permettant de rallier rapidement pur l’époque certains points clés, hauts lieux de la résistance camisarde.

route des cevennes 1703

C’est à la fin du XIXè siècle et début XXè que Russan sera relier directement à Nîmes par la départementale 418  : la route du camp des garrigues désenclavant cette portion de territoire de la gardonnenque.

La route dite du “camp des garrigues” ou D418

Ou comment remplacer la voie helvienne ou voie Antonine devenue impraticable

Dans les cartons du conseil général depuis un certain nombre d’années, un des membres du conseil, Mr Delafont, fait valoir le caractère d’urgence de la création d’un chemin carrossable entre Nîmes et Ste Anastasie (1895).

En effet comme nous l’avons dit plus haut (1884), les Anastasiens sont  obligés de faire un grand détour pour se rendre à Nîmes alors que les deux entités ont des limites communes. Le commune de Ste A. prend un si grand intérêt à la construction de ce chemin qu’elle a voté une subvention de 30000 Fr, “s’imposant ainsi des sacrifices au dessus de ses forces”.

Dans un procès verbal d’une séance du conseil général du 23 août 1895, on peut lire ceci :

“……..Nîmes est aussi très intéressée par ce chemin. Il faut considérer en effet que les deux régiments d’artillerie stationnés à Nîmes n’ont qu’un seul débouché pour se rendre au champ de tir, ce débouché est l’étroit chemin d’ Uzès construit en lacet jusqu’au champ de tir, l’encombrement qui se produit journellement sur cette route est des plus considérables et des plus dangereux, des accidents fréquents se produisent par suite du croisement presque incessant des voitures particulières avec le matériel d’artillerie. Aussi la ville de Nîmes a-t-elle consenti une subvention de 10000 Fr pour la construction de ce chemin.

Si on ajoute à ces deux importantes subventions le montant des offres particulières et des cessions gratuites de terrains, on se trouve en présence de sacrifices assez élevés pour retenir l’attention du conseil général……….”

Mais  cela ne suffit pas à convaincre. Les travaux déjà en cours et non achevés sont prioritaires. L’amendement est rejeté.

Même chose le 14 avril 1896.

Pendant la ruée vers l’or de Russan, on entend plus parler de cette route.

On ne reparle de cette route, a priori, qu’en 1902, puis en 1903 pour une inscription au programme des subventions départementales de 1904. mais le projet avance. Le problème pour Nîmes est de savoir par quel endroit sortir pour rallier Ste Anastasie.

Trois solutions sont proposées. La première : sortie par la rue de la biche puis passage sous le pont de chemin de fer Nîmes/Alès, la seconde très voisine de la première propose la rue de la biche et le pont du diable et la troisième emprunte la route d’Alès sur 4 kilomètres. Une enquête est ouverte : des trois propositions, c’est la troisième qui s’impose économiquement.

Nîmes proposait pour la première et la deuxième solutions une subvention de 30000 Fr, 21000 Fr pour la troisième. À Ste A. une pétition de 125 signatures demande l’adoption du troisième tracé. Le commissaire-enquêteur est du même avis.

Le coût total du projet incluant le pont est estimé à 200000 Fr, la part demandée à la commune est de 40900 Fr, celle du département 98200 Fr, le reste pour l’état.

La commune a offert 74750 Fr dont 40000 Fr en espèces, 4750 en cessions gratuites de terrains et les 30000 Fr offerts par Nîmes. Ste A. étant légalement seule porteuse du projet, c’est pour cela que Nîmes lui offre une sorte de compensation.

Après encore quelques palabres et tours de passe-passe et une réduction sensible des subventions de l’État, c’est enfin le projet route d’Alès qui sera choisi à charge pour Ste Anastasie de trouver les 6700 Fr manquants.

La route que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de départementale 418 (D418) va pouvoir être mise en chantier jusqu’aux abords du pont et s’arrêtera au niveau de l’ancien chemin antique qui descend vers les Conques, c’est à dire au bac.

Bac Ste Anastasie

croq bac

Il faudra attendre la fin de la construction du pont (1910) et des aménagements immédiats (1913) pour la route soit opérationnelle et relie enfin Ste Anastasie et Nîmes. Mais l’histoire n’est pas terminée. L’armée va agrandir la surface du camp des garrigues et y inclure une bonne partie de la route et donc aggraver la servitude déjà existante sur une partie de cette voie. Élément qui va retarder le classement de route départementale.