Le Gardon, charriant les alluvions des pieds des Cévennes au Rhône, a attiré l’homme atteint de la fièvre de l’ or. En effet ses alluvions transportent de loin en loin milligramme par milligramme, gramme par gramme quelquefois, le précieux métal. Au fur et à mesure du parcours de la rivière Gardon, se déposent ça et là ces minuscules paillettes, voire pépites, tant convoitées.
Les orpailleurs amateurs ou pro se pressent principalement sur la partie amont du Gardon d’ Anduze, St Jean du Gard, Ners…. pour recueillir à la battée le minerai jaune suivant théoriquement la réglementation en vigueur dans le Gard (voir gard.gouv.fr).
Revenons à Ste Anastasie. Lors du projet de la construction du pont de Russan (1884), de nombreux carottages ont été effectués pour déterminer l’endroit idéal pour asseoir les piles du futur pont (1893). Et Ô surprise, les ingénieurs découvrirent de l’ or en quantité phénoménale. L’ingénieur Castelneau fit un rapport dithyrambique : le gisement aurait une importance de portée mondiale puisque comparé aux gisements d’Afrique du Sud et de Guyane entre autres. D’après ses calculs et projections, suivant la méthode utilisée, il y aurait de 39 à 78 ans d’exploitation de cette zone aurifère. Ceci allécha le conseil municipal de l’époque qui mit immédiatement le site en concession (1896) afin d’assurer une manne financière pour construire le fameux pont. Et cela décala le projet d’autant.
Mais au final, l’affaire se révéla plutôt négative pour plusieurs raisons :
– L’ or au début de l’exploitation était bien au rendez-vous mais sur une zone beaucoup plus restreinte.
– L’exploitation y est difficile malgré les apparences : en effet le Gardon est sec l’été d’où un manque d’eau pour laver les sables aurifères, et il est destructeur les autres périodes de l’année lorsqu’il a décidé de sortir de son lit. La mine étant dans le lit de la rivière, il fallait remettre en oeuvre les rails (12 km), les wagons (60) et la locomotive, l’excavatrice et l’atelier amalgamation de l’or.
– Les concessionnaires ne se révèlent pas très honnêtes et les retombées économiques ne sont pas au rendez-vous malgré la floraison d’une petite quarantaine de commerces installée à Russan.
Malgré tout, de 1896 à 1901, Ste Anastasie sera le centre du monde pour les journaux financiers et revues scientifiques de l’époque dont la Revue du midi qui titre “Russan, nouveau Johannesburg” en 1898 et l’épargne française en 1897 qui va étaler sur plusieurs pages un reportage de l’exploitation de la mine avec quelques photos impressionnantes.
En avril 1901, un décret présidentiel va mettre fin à l’exploitation. Tout redevient calme à Russan qui gardera depuis l’ascendant sur les autres villages de la commune. La mairie s’y installera détrônant ainsi Aubarne. Le gardon reprend son lit et confirmera par la suite le dicton local : “le gardon est un mauvais voisin “.
Les photos ci-dessous ont été retravaillées par l’auteur d’après les documents de Rubens Euzéby ( que je remercie vivement) d’une part, et d’autre part de Patrice Hurlin pour les parties rapports techniques des ingénieurs.
Le sluice et l’atelier d’amalgamation
La locomotive dans le lit du Gardon
L’excavatrice
Vue générale du placer. On distingue le clocher de Russan à droite
Page de couverture du rapport Castelneau (1896)